Technologies immersives en santé publique : un pouvoir disruptif ?
Nous parlons souvent des bénéfices des technologies immersives sur notre santé. De nombreux articles traitent de différents cas d’usage allant de la thérapie par exposition, à la réalité virtuelle, à la formation en passant par l’outil de recherche, le jumeau numérique voire le fameux buzzword « métavers ». Mais on oublie trop souvent le but final qu’ont en commun ces technologies au service de la santé.
Il y a quelque temps une étude japonaise est sortie, pointant du doigt l’apport que pourrait avoir les technologies immersives sur la santé publique. Car in fine, le but est bien toujours le même : augmenter la qualité des soins. Si le plus grand défi de ces technologies est aujourd’hui son déploiement massif, qu’en est-il des attendus de celui-ci ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de donner un début de réponse. Attention, cet article par de l’hypothèse que ce déploiement massif, tant auprès des soignants que de la population, est possible.
Technologies immersives en santé publique : les attendus généraux
La réduction des distances pour se faire soigner
Qui n’est pas inquiet de voir grandir les déserts médicaux ? Qui n’est pas consterné par le fait de devoir déplacer (rembourser) plusieurs longs trajets en ambulance vers un centre de soins pour faire un examen puis évaluer un patient avant qu’il voit un praticien surbooké et épuisé 10 min ?
La promesse offerte par les technologies immersives à la télémédecine est bien celle d’un univers médical plus ouvert, plus disponible. C’est aussi la possibilité de participer simplement à des ateliers (éducation thérapeutique, réunions d’anonymes…).
Or l’impact de ces situations sur l’observance thérapeutique et la confiance des patients envers le milieu médical est considérable. Un patient bien accompagné est un patient détendu. Le lien avec l’extérieur, outre son aspect de vecteur social, évitant la désociabilisation, est un facteur capital de la bonne prise en charge d’un patient.
Enfin, si c’est un gain d’efficacité, c’est aussi un gain de coût. En effet, cela pourra limiter le nombre de trajets inutiles. La personne est présente dans le lien virtuel dédié, avec son ou ses médecins. II pourra alors poser ses questions quant aux examens, aux traitements, comme dans la réalité. Une manière de ne plus subir la fatigue du voyage, la pression des horaires, l’attente interminable…
L’autre facette du sport : la remobilisation
L’activité physique est un outil de prévention primaire très fort. Or la sédentarité s’impose de plus en plus dans notre société, et la crise de la COVID-19 et la démocratisation du télétravail n’ont rien arrangé à cela. S’il y a quelques années, la réalité augmentée (Pokémon Go) nous a invité à sortir de chez nous pour prendre l’air, la réalité virtuelle est elle bien plus stimulante. Le but de l’article n’est pas de revenir sur les différentes applications et leur but (voir notre article sur la RV pendant confinement). La réflexion de l’apport pour notre santé est bien notre sujet.
L’obésité, le diabète, les troubles cardio ou neurovasculaire, les troubles musculosquelettiques, sont un fléau que le sport peut nous aider à faire reculer. Sans avoir besoin d’un abonnement en salle de sport, sans le côté très impressionnant du sport, les jeux physiques en réalité virtuelle sont pensés pour être drôle et engageant. Le temps y passe vite et de nombreux témoignages montrent l’efficacité de ces sports.
Or, pour les dépenses de santé et le « mieux vieillir », c’est un vrai gain qui est à portée de demain. Réduire les maladies chroniques et leurs impacts néfastes, c’est ça aussi le pouvoir des technologies.
Et là encore, tout est attrait au mouvement et au vécu. Lorsque je sors pour aller à la salle de sport, je vois des personnes, j’interagis, je m’amuse et je mets mon corps en mouvement. Mais pour nos lecteurs assidus des salles de fontes et des tapis de courses, il est tout de même plus engageant d’aller courir en forêt ou sur la plage qu’en regardant les 12 coups de midi sans le son (vécu).
Sans oublier le « bien vieillir »…
Le sujet est large, surtout dans un monde où l’espérance, grâce aux nouvelles connaissances médicales, devraient théoriquement monter. Mais avec l’âge et nos nouvelles habitudes de vie, c’est une vieillesse bien triste que nous nous préparons.
Si une étude est récemment sortie sur l’impact positif des technologies immersives sur les personnes, une autre serait en cours pour évaluer l’impact positif sur notre vieillissement à long terme et cela promet des résultats encourageants.
Thérapie et analgésie, la promesse des technologies immersives en santé
Remplacer les médicaments en analgésie médicale
C’est un sujet très documenté scientifiquement, en France comme à l’étranger. L’analgésie (le fait de couper la sensation de la douleur) est l’un des gros chantiers de la réalité virtuelle médicale. Or, c’est une promesse incroyable que porte ses outils médicaux, celle de la diminution de l’utilisation des médicaments hypnotiques, anxiolytiques et analgésiques, voire anesthésique.
Attention, avant d’aller plus loin, il y a un point majeur à considérer. La douleur aigüe ou qui résulte d’un trouble aigu (je me suis cassé le bras et j’ai mal tant qu’il n’est pas consolidé) n’a rien à voir avec les douleurs chroniques. Si des études sont en cours sur l’adaptation de ses thérapies digitales dans ce cadre particulier, nous sommes encore loin de ce que nous obtenons en douleur aigüe.
Cependant, certaines douleurs chroniques, le sont devenues à cause d’une mauvaise prise en charge de la douleur à la base. C’est également le cas des addictions aux antalgiques qui sont de plus en plus de ravages. Grâce aux thérapies digitales contre la douleur, les répercussions nocives des produits précédemment cités sont diminués. D’autant que leur quantité, dont leur caractère addictif. Il y a donc là un vrai sujet de santé publique que d’aider à une meilleure prise en charge, mais surtout à la prévention des troubles associés.
Une rééducation plus facile grâce à la technologie
De nombreuses études montrent chaque jour l’efficacité des technologies immersives pour la rééducation. Vous voulez savoir comment cela fonctionne, suivez le guide. Encore une fois, ce qui nous intéresse ici, c’est bien la partie santé publique et particulièrement la promesse d’une meilleure prise en charge. Ainsi, la promesse d’une diminution des coûts de la société sur celle-ci, avec une augmentation des chances pour le patient en suite de rééducation.
Partons du fait que tous les patients peuvent s’équiper facilement d’outil VR. On peut donc s’imaginer que les fameux exercices, qu’on ne fait que trop peu à domicile sans le praticien, soient enfin observés, ce qui augmentera la progression des patients.
Une vraie valeur ajoutée en conséquence. La promesse d’une réduction de coût (sécu, entreprise, patient) avec optimisation de la prise en charge pour les kinésithérapeutes et autres acteurs de la réadaptation, déjà surchargés.
Thérapie et santé mentale : de nombreuses opportunités
La crise que nous venons de traverser et ces répercussions, tant sociales que politico-économiques, ont mis en lumière le fléau grandissant d’une génération : les troubles de santé mentale. Je ne dirai pas la dépression, car c’est loin d’être le seul trouble en cause ici. Là encore, les thérapies XR sont aux rendez-vous. Si de nombreuses études sont en cours, elles sont très prometteuses. Or, bien que la téléconsultation en psychologie se soit largement développée, cela est toujours éminemment trop peu en regard du besoin.
Les technologies permettent de travailler différemment et parfois d’instaurer une zone de sécurité ou encore le confort d’un anonymat. Sans revenir sur un cas d’usage, c’est une réponse possible aux problèmes grandissant dans ce domaine. Si à terme, la prise en charge peut s’apparenter à celle d’autres praticiens libéraux, il y a ici un aspect d’urgence auquel nous pourrons répondre « virtuellement ».
En cas d’urgence, le « métavers » santé mentale, s’il est, par exemple, couplé à de l’IA, permettra de répondre au premier besoin à toutes heures pour réorienter la personne vers le bon spécialiste. Une avancée qui rend possible le soin longue distance, notamment avec des expatriés. Mais nous sortons là un peu du domaine de santé public locale. Cela pourrait-il vouloir dire que ces considérations peuvent s’appliquer au niveau de la santé publique mondiale ? Évidemment, partout où les technologies peuvent apporter leur aide, elles peuvent valoriser la santé.
L’apport des technologies immersives en santé dans la formation et l’information
Améliorer la formation continue et initiale
Là encore, nous ne reviendrons pas sur le cas d’usage. Mais le principe idéal d’utiliser demain les technologies immersives pour permettre le partage et l’alignement des bonnes pratiques au national comme à l’international est bien là celui qui nous intéresse. Outre cet alignement, c’est également le challenge desdites pratiques qui nous mènera à révolutionner le milieu.
Convaincu du pouvoir disrupteur, c’est le côté apport en santé publique qui est pertinent. Des personnels mieux formés, c’est un système plus serein, plus performant. C’est moins d’erreur qui coûte encore trop chères, car la dépense sociétale liée au risque en santé est énorme.
Le prochain pas, que nous devons avancer, sera alors l’habilitation in silico. Ainsi, certaines compétences pourront demain être validées et permettre un meilleur suivi des compétences et ainsi une meilleure prise en charge du risque.
La formation ne consiste pas uniquement à acquérir des compétences pratiques, mais également à recevoir des informations essentielles en matière de santé. Une meilleure connaissance des risques liés à un métier permet de les réduire, protégeant ainsi la santé de chacun et évitant tout risque pour autrui. En somme, une bonne formation et une information adéquate sont des éléments clés dans la prévention des risques professionnels.
Ces considérations en appellent donc 2 autres très naturellement : l’éducation thérapeutique et la prévention dans la population.
La réalité virtuelle au service de l’éducation thérapeutique
Cette partie sera brève ou corrélée directement avec ce qui a déjà été vu précédemment. La réalité virtuelle permet de former toutes personnes ne présentant pas de contres indications à l’usage (pour rappel personne épileptique notamment).
Dans le cadre de l’éducation thérapeutique, il est parfois compliqué d’éduquer le patient à sa pathologie nouvelle, qui a perturbé sa vie, parfois pour toujours. Utiliser ces technologies est la porte ouverte vers un savoir et des compétences qui sont celles des meilleurs spécialistes.
Si l’on peut augmenter le médecin, on peut également augmenter le patient pour en faire un patient expert. Or, un patient qui connait sa pathologie et se connait bien est une prise en charge efficace et facilitée. C’est donc moins d’errance, moins de fausses alertes, un gain de temps et de coût pour le système.
La technologie au service de la prévention
La France n’est pas la meilleure en ce qui concerne les gestes de 1er secours. On estime à 40 % les personnes formées à ces gestes sur le territoire. Et on ne parle ni de leurs compétences réelles si des autres gestes de préventions dans leur quotidien.
Cependant, c’est bien là tout le sujet et les possibilités que nous offrent les réalités étendues. Allons plus loin, lorsque l’on vous parle de ce fameux « métavers » et que l’on s’insurge qu’il y ait un jour de la publicité dans l’horizon world de Méta ou consort. Ne serait-il pas judicieux de réfléchir utile ?
En période COVID-19, les messages de préventions radio étaient fréquents. La sécurité routière fait de même à la télévision depuis des années, tout comme d’autres secteurs (prévention des cancers, addiction, harcèlement…) Si nous utilisions ce nouveau média et sa portée émotionnelle pour faire passer de tels messages, nous pourrions faire de grands pas pour la prévention primaire. Sujet trop peu étudié, et permettrait peut-être aussi de revoir nos copies en matière de modèle économique en XR.
Technologies immersives en santé publique : que faut-il conclure ?
Les possibilités des technologies immersives en santé sont gigantesques. Cela aura un impact incroyable sur le secteur s’il parvient à l’adopter dans son plein potentiel. Si l’un des points bloquants réside aujourd’hui dans le financement, soutenir le message d’une technologie capable de faire avancer la santé publique en amenant le quotidien, tant des patients que des soignants, vers une collaboration plus efficace et sereine, est porteurs d’une grande valeur dans laquelle ils seront nombreux à vouloir investir.
Cependant, outre la barrière économique, une telle rupture demandera d’opérer des changements de mœurs en profondeur. Pour cela, nous aurons besoins de forces vives bien différentes, tant dans les porteurs de paroles, que les éducateurs ou les législateurs.
Aujourd’hui, peu de personnes sont réellement touchées par ses technologies. Mais en y réfléchissant à long terme, les personnes vieillissantes de demain sont les actifs d’aujourd’hui et ils auront besoin de tout le soutien possible pour bien vieillir.
Les changements si profonds se mettent en place dans le temps. C’est en changeant les mentalités d’aujourd’hui eten éduquant les acteurs de santé que nous ferons de cette rupture hypothétique une réalité demain.
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