Metavers médical : découverte des cas d’usage en santé

Depuis l’annonce du métavers par Marc Zuckerberg en Octobre 2021, la notion dépoussiérée a fait tourner bien des têtes et « couler » beaucoup d’encre (numérique). Cette version 3.0 d’internet est aujourd’hui à l’état de fantasme dans tous les secteurs. Si certains croient avoir pris de l’avance, il s’agit encore d’une véritable sirène. Et pour cause, les promesses cachées derrière ce grand mot à l’effet de communication sans précédent sont enchanteresses et notamment dans le milieu de la santé.

Depuis quelques temps, de plus en plus de médecins voient une opportunité de faire enfin évoluer le système de soins grâce à l’avènement d’un metavers médical. De nombreuses compagnies cherchent à se positionner sur un jumeau numérique hospitalier inter opérationnel. C’est une véritable course au changement qui se joue aujourd’hui, à grand renfort de coup de com’ !

Mais, avant de se jeter à corps perdu dans cette aventure épique, nous vous proposons de faire le point sur ce qu’est un metavers et surtout sur ces promesses en santé.

I- Qu’est-ce que le metavers ?

1- Plus qu’une simple définition : un concept !

metaversA faire quelques recherches rapides sur internet, on se retrouve vite submergé par des centaines d’articles qui donnent tous une définition différente du concept. Vous trouverez peut-être mon approche un peu scolaire, mais partir d’une base solide est un principe que j’aime appliquer.

Aussi c’est l’encyclopédie libre Wikipédia qui m’a le plus inspirée dans ma compréhension du discours de M. Zuckerberg. Cet article nous donne la vision de Neal Stephenson, auteur romancier contemporain qui, à travers son œuvre, a été l’un des pionniers dans la conceptualisation du métaverse.

2- Quelle conceptualisation du metavers ?

S’il ne parle pas encore de réalité virtuelle ni d’avatar à ce moment-là, il explique qu’un metavers est un univers à part entière impliquant :

  • Une activité économique : ce qui signifie une monnaie de référence ainsi que la création de valeur en interne qui lui soit propre.
  • Qu’il soit issu d’un milieu informatique : ici les technologies immersives.
  • Différents modes d’accès, qu’il s’agisse de hardware (casque ou flatscreen) ou de secteur (public et privé).
  • Une scalabilité : selon la charge ou le besoin le niveau de détails s’adapte.
  • Une incarnation qui permette l’appréhension d’un langage non verbal.

Si nous ajoutons à cette vision des années 90, notre vision actuelle de la virtualité nous pouvons compléter cette version avec :

  • Une monnaie virtuelle puisque nous vivons l’ère sympathique des cryptomonnaies et des NFT.
  • Des avatars incarnables et personnalisables.
  • Des univers virtuels interconnectés et persistants.

3- Quelques exemples de ce que pourrait être le metavers ?

Partant de ces éléments, les meilleurs exemples de ce que pourrait être un metavers sont surprenants. Les plus parlant sont les jeux massivement multi-joueurs, tels que World of Warcraft par exemple, où vous « incarnez » un personnage, dans un monde virtuel, ouvert, qui a ses lois, son « économie », et qui est persistant et scalable.

Plus proche de notre réalité, c’est le film Ready player one qui nous a offert l’une des plus belles visions de ce que pourraient être les métavers quant à leur interconnectivité. On y retrouve la personnification, l’ajout de l’haptique pour l’immersion, et le côté économique et persistant.

4- Donner vie à un monde virtuel

Dans notre article sur le multi-sensoriel, nous vous expliquions qu’il était important de mettre en avant, qu’au-delà de sa vision d’interconnexion de l ‘humain et de vie sur dans univers parallèle, reproduisant le réel et bien plus encore, il fallait, pour donner vie à ce metavers, qu’il soit porteur et créateur de valeur.

C’est donc en permettant à l’humain de créer autrement et donc d’imaginer vivre autrement, pour peut-être influencer positivement le réel, que ce metavers prendre tout son sens. Fort de ces recherches nous pouvons donner la définition suivante :

Le métavers est un monde complet (économie et lois propres) mais virtuelle­ment créé, persistant et interconnecté, où l’on incarne un être défini, dans une optique d’interaction et de création de valeur.

II- Quels espoirs dans le milieu médical ?

1- Une avancée dans le monde de la santé ?

C’est tout d’abord l’une des caractéristiques principales d’un monde. Si ce monde veut être complet il doit inclure un système de santé. Aujourd’hui le système de santé est piloté par plusieurs sujets dont : les 5P (préventive, prédictive, participative, personnalisée, pertinente), l’éducation et le parcours patient, et la formation.

Outre les cas d’usages qui seront décrits en seconde partie, il faut donc se poser la question de la valeur absolue d’un tel univers dans le milieu médical et, aux vues de l’actualité, nul doute que cela ait raisonné dans l’esprit de bien des médecins.

2- Des promesses et des attentes

Grâce à la promesse d’interconnexion du metavers c’est une mise à l’échelle mondiale qui est attendu sur le marché de la santé aujourd’hui très fermé. Une mise à l’échelle tant du savoir médical, que de son partage, de son enseignement que de sa consultation et de son opérabilité, et ce à tout moment, grâce à la promesse d’un monde persistant.

métavers

Dans un milieu qui s’essouffle et tire toujours plus sur ses budgets, c’est la promesse de valeurs et d’ajout de valeur par des collaborations inédites, inenvisageable dans le réel, qui seront porteuses des innovations de demain. C’est aussi, une mise à jour des savoirs, par la facilitation des processus de transmission, qui est un promesse d’économie à long terme tant humaine, que monétaire, que de temps et de ressources.

Et cela, ils sont nombreux à l’avoir compris. Nous assistons une à une véritable course au metavers médical. Nul doute que nous suivrons, avec une grande attention, chaque annonce faite. En effet, elle devra répondre à bien des attentes avant de pouvoir obtenir l’aval du milieu, en tant que premier vrai metavers médical.

3- Tour des différents cas d’usages du metavers médical

Les cas d’usages sont multiples et ne doivent pas être confondus avec les cas d’usage de la réalité virtuelle elle-même. Nous les classerons selon 3 catégories :

  • La formation,
  • Les soins,
  • Le parcours patient.

C’est parce que le metavers médical passera par ces trois points qu’il est souvent vu comme un immense hôpital virtuel où tout est possible, et plus encore.

a- La formation : initiale et continue

C’est un sujet récurrent, et plutôt bien accueilli par le milieu médical, que la formation grâce à la réalité virtuelle et aux simulation numériques (type flat screen et vidéo 360).

De plus en plus de gestes métiers et de scénarios sont disponibles permettant aux acteurs, et aux futurs acteurs des soins, de se former ou de se reformer à des protocoles particuliers.

L’idée d’un hôpital virtuel persistant et complet serait de pouvoir aller plus loin dans ces apprentissages :

  1. tous les scénarios de soins seraient présents (pas que certaines idées).
  2. les soignants pourraient mieux comprendre le fonctionnement global de leur milieu et des interactions qu’il génère.
  3. l’apprenant ne serait plus seul mais bien avec son groupe, ou au moins son professeur pour le guider, et sans la pression du regard du patient.

Exemples :

formation santé

Changer une aiguille d’Hubert, sur une chambre implantable percutanée, est un geste complexe, mais il intervient dans un contexte de soin et de surveillance bien plus complexe encore.

Le geste doit pouvoir être surveillée par l’aide-soignant et chargée par l’IDE, l’interne, ou même le médecin pourquoi pas. Tout cela se joue dans un milieu qui a ses codes où l’hygiène est reine, et pourrait être visualisable.

Enfin, sur un contexte interconnecté et persistant, et pour revenir sur cette vision internationale, c’est bien un étudiant d’une école d’un pays d’Afrique en développement (par exemple) qui pourrait, apprendre d’une infirmière spécialisée de France ou des USA. C’est donc une pratique généralisée à l’échelle mondiale qui se dessine, en apprenant des meilleurs de chaque branche qui nous serait accessible.

b- Le domaine du soin

Pour les soins direct l’hôpital virtuel changera beaucoup de choses. Il est déjà possible, aujourd’hui, que des médecins de différents horizons se retrouvent en réalité augmentée pour parler d’un cas spécifique ou pour créer une prothèse pour un patient particulier.

Dans un hôpital virtuel persistant, c’est tout leur travail qui devient accessible à d’autres. Si cela peut avoir un aspect formateur, c’est surtout la porte ouverte à une économie intéressante d’idéation thérapeutique, ainsi qu’à des synergies inattendues.

Le public et le privé pourraient trouver leur compte à ce type de création collective. Les medtech pourraient proposer leurs modèles d’outils pour aider à la conception de protocoles, sans avoir besoin de passer nécessairement par le physique, plus couteux sur ces premières phases de réflexion. Ainsi, la concurrence s’en trouverait reboostée et les créateurs seraient libres de choisir tout ce qu’ils leur seraient possible d’imaginer.

Nous avons donc de nouvelles « lois » et logiques à mettre en œuvre. La création de collaboration et donc de valeurs ajoutées uniques qui seront la pierre angulaire d’une amélioration des protocoles de soins et de la qualité des soins de l’avenir.

c- Le parcours patient

hypnose virtuel

Branche encore trop peu exploitée aujourd’hui, elle est la grande promesse du monde de demain. En effet, d’un point de vue patient, la réalité virtuelle est principalement le terrain de jeu des applications outils : l’analgésie, la rééducation en pointe.

Dans quelques cas particuliers, on commence à croiser des capsules de présentation de parcours de soins et notamment à destination des personnes autistes (et neuro atypiques) et/ou handicapées. Mais il est historique que le milieu des soins est anxiogène. Or, aujourd’hui, avec l’avancée du savoir médical, être un patient est devenu éminemment complexe en plus d’être anxiogène.

Quelle serait l’utilité d’un hôpital dans le metavers ?

L’arrivée d’un hôpital virtuel renverse la vapeur sur bien des points. Dans un premier temps, et comme pour la formation, c’est l’ouverture sur un monde complexe, et son fonctionnement codifié, qui permettra d’aider les patients à comprendre leur prise en charge de façon globale. Cela les rendra plus moteur dans leurs soins, mais également plus compréhensifs et patients dans certains cas.

Dans un autre domaine, c’est l’espoir d’arrêter les surcharges de l’hôpital physique et les dépenses en transports inutiles. En effet, combien de patients doivent aller dans de grands centres pour des visites annuelles, qui pourraient être faites dans le virtuel ? Car, si la téléconsultation a déjà fait avancer ce point, imaginez pouvoir recevoir également votre cours d’éducation thérapeutique, votre réunion de témoignages ou, l’aide de la 3D de ce monde virtuel, que l’on vous explique ce qui vous est inintelligible dans votre problème de santé, et ce, sans bouger du confort de votre domicile.

Internationaliser la prise en charge des patients ?

metaversEn ouvrant la porte à ces nouvelles consultations, on permet également d’imaginer que le patient puisse trouver un praticien spécialisé partout dans le monde. Oui oui, certains troubles ne sont vus qu’une fois ou deux dans la vie d’un médecin, et il est parfois difficile de trouver des réponses. En international c’est, de fait, plus facile. De même que la persistance et la possibilité d’anonymat permettront aux populations fragiles de trouver de l’aide bien plus rapidement.

Une prise en charge mieux gérée, plus globalisante, et plus accessible, qui remet le patient au centre de sa prise en charge. Il sera acteur et mieux valorisé que sur une application pour avoir un carnet de santé amélioré.

III- Métavers médical : quelles sont les limites ?

Mais tout cela des limites, autant d’un point de vue médical que d’un point de vue technique. Alors, avant de s’envoler trop haut dans ces rêves d’un avenir merveilleux, faisons le tour des points bloquants.

1- Les limites médicales

a- Cybersécurité et confidentialité des données

Sans surprise, la principale est la confidentialité. De plus en plus d’articles font état de la cybercriminalité et des sommes, proprement pharaoniques, qui sont mises en balance pour y faire face.

En Europe, les normes de cybersécurité et de confidentialité des données personnelles, et a forci de santé, sont drastiques. Or, dans un monde totalement virtuel, la sécurité des données sera impérative et est aujourd’hui impossible à garantir à de telles échelles.

b- La gestion de l’identité

Moins évidente, mais tout aussi importante, les problèmes de gestion de l’identité du patient ou du soignant. Elle doit pouvoir être parfaitement garanti. Il y a déjà aujourd’hui, dans notre monde physique des usurpations d’identité patient qui sont à l’origine de problèmes graves et de trafiques monstrueux. Sans parler de l’aspect financier que cela induit, ce sont des erreurs médicales qui sont commises et parfois irréversibles.

Le point de vue soignant est un peu différent et déjà un peu différent, et déjà un peu adressé aujourd’hui quant au besoin croissant de simulations habilitantes. Comment être sûre que la personne qui est avec nous dans le virtuelle est bien celle qu’elle prétend (lorsque l’on parle de validation à distance). Cela est d’ailleurs en parallèle avec la crédibilité et la responsabilité de telle validation. Car si un soignant valide une habilitation dans le virtuelle et qu’un problème survient sur ce point plus tard qui portera la responsabilité de la faute : le soignant seul, ou également l’établissement, le formateur, le producteur de contenu … ?

c- L’acculturation

Enfin le problème vient de l’acculturation, qui aujourd’hui est très loin d’être suffisante et ne permet pas le déploiement à grande échelle. Et pour cause, beaucoup de soignants ont encore de grandes appréhensions quant à ce qu’est la virtualité, sa place, son utilité dans le soin ou la formation. Beaucoup sont ceux qui ne veulent pas en entendre parler, que ce soit par peur d’être remplacé ou par préjuger selon lequel ils seront moins proches de leurs patients.

Et si l’acculturation et l’accès à la technologie est un souci pour le soignant, c’est bien pire encore pour le patient. C’est dans ce cadre que le secteur public se devra d’être un acteur puissant du metavers de demain.

2- Les limites de la technologie

Enfin, il est intéressant de se pencher sur les limites inhérentes à la technologie elle-même. Car si cette annonce a fait le buzz, Marc Zuckerberg est revenu lui-même sur les capacités liées à la mise en place de son fameux métavers.

En effet, pour imaginer un jour voir l’avènement de ce nouvel univers virtuel, il va falloir que la technologie face encore du chemin. De tels univers, surtout s’ils sont persistants, demanderont des capacités de calculs incroyables et des capacités de stockages proprement hallucinantes. Les infrastructures pouvant porter ce type de serveurs n’existent pas aujourd’hui. Il en va de même pour le réseau, qui est encore trop peu développé et trop hétérogène sur le globe.

Et pour finir, l’un des éléments bloquants est le manque croissant de composants permettant la construction du hardware. Le milieu informatique subi dernièrement une pénurie et, notamment, en carte graphique, indispensable au fonctionnement de ses univers complexes.

Métavers médical : que faut-il en conclure ?

Le metavers, si l’effet de communication est incroyable et aura permis de mettre en évidence, auprès des acteurs majeurs de notre société, les technologies immersives qui était, surtout dans le milieu de la santé, encore trop peu représentées. C’est cependant aujourd’hui une utopie où beaucoup se casseront les dents fautes de vouloir ou pouvoir participer à lever les verrous technologiques et à vouloir foncer sur un concept encore trop mal compris.

Mais si l’idée est louable et prometteuse, dans un secteur à l’agonie ayant un cruel besoin de renouveau, nous devons commencer par apporter le savoir et la culture de ces technologies à leurs principaux futurs acteurs. Leur contribution massive dans cette avancée sera la vraie source de la valeur de ces nouveaux mondes. Ne nous trompons pas de sens : le besoin vient du soin et portera l’arrivée d’un monde à leur image, et non l’inverse.

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